Sadio Mané, Sénégal vs Bénin 1/4 de finale CAN 2019 |
Pour se qualifier en 1/2 finale, les Lions du Sénégal se sont appuyés sur le leadership des vedettes tandis que la Tunisie sans forcer était largement supérieure à un Madagascar sans idées. La Tunisie peut-elle contenir les individualités sénégalaises ?
Le Sénégal a beaucoup progressé dans son jeu offensif avec l'apparition de Henri Saivet dans le 11 titulaire à la demande générale suite à la défaite contre l'Algérie. Désormais le jeu d'attaque placée du Sénégal dispose d'au moins trois variantes.
1. Les trois variantes en attaque placée
La première variante est la percussion dans l'axe du bloc bas adverse. Dans cette variante, Henri Saivet et Sadio Mané s'intercalent entre les lignes défensives pour servir de point de fixation. A la réception de passes à ras de terre, Mané et Saivet doivent faire jouer leur technique pour attirer des défenseurs adverses, conserver le ballon et dévier dans le bon timing vers Mbaye Niang ou tout joueur qui arrive lancé du milieu comme Gana Gueye ou l'attaquant côté droit Ismaila Sarr voire Keita Balde. C'est le cas sur le but de Gana Gueye contre le Bénin et aussi sur plusieurs phases de jeu contre la Tanzanie et le Kenya.
Les faiblesses de cette variante, c'est qu'elle n'est employable que contre un bloc bas et il faut avoir une vraie coordination des mouvements entre les milieux et les attaquants. Il faut les automatismes entre les joueurs et cette variante est typiquement utilisée dans un jeu de club où il faut se trouver les yeux fermés au millimètre près pour réussir à percer le bloc adverse. Jamel Belmadi par sa lecture tactique impeccable avait fait avancer son milieu de terrain pour tuer dans l’œuf ce jeu devenu prévisible sans Idrissa Gana Gueye et avec Krépin Diatta dont le style de jeu naturel fait de percussion balle au pied ne correspond pas à un poste de milieu relayeur de cette variante où il faut temporiser, lire le jeu, faire beaucoup d'appel contre appel et surtout réussir la passe dans le bon timing pour Sadio ou Saivet.
Dans ce premier schéma, le rôle de pivot de Sadio Mané et le premier mouvement du côté gauche vers l'axe de l'attaque en se rapprochant de Mbaye Niang suivi d'un deuxième mouvement pour décrocher de la ligne d'attaque vers le milieu de terrain, induisent la deuxième variante par le jeu long en direction du latéral gauche. Le déclencheur de cette deuxième variante n'est autre que Kalidou Koulibaly. Le défenseur central géant du Napoli n'est pas le plus brillant dans le jeu long dans son club mais cette compétence est indispensable à sa sélection nationale. Pas toujours précis en termes de timing car il faut des automatismes, il est assisté dans ce jeu long en direction du côté gauche par Henri Saivet. Depuis le match contre le Kenya, il décroche pour aider à la relance du jeu en formant un triangle autour de Pape Alioune Ndiaye et Gana Gueye. A la différence des deux autres et en plus d'une meilleure précision, son jeu long peut être fait pied droit ou pied gauche ce qui rend ses contrôles orientés et feintes de corps moins prévisibles dans un jeu dos au but.
La faiblesse de cette deuxième variante c'est que le latéral gauche n'est pas toujours un gaucher. Saliou Ciss friable défensivement ne fait pas l'unanimité alors que sa présence contre le Kenya a permis d'avoir de vraies situations dangereuses. Souvent, ces décalages sont faits à merveille entre le déplacement de Sadio de la gauche vers l'axe et le lancement du jeu long de Koulibaly, il ne reste au latéral gauche que de réussir son centre ou son dribble ce que ne peut ou ne veut faire Sabaly. Durant cette CAN, il a fait très peu de centres pied gauche en première intention et beaucoup sur son pied droit en demie volée ou à ras de terre dans le dos des attaquants venus au premier poteau. Sabaly est meilleur sur beaucoup de compartiments que Saliou Ciss mais son apport offensif est insuffisant. Sa présence ne doit plus être indiscutable surtout en début de match où le Sénégal a tout intérêt à marquer tôt.
Ainsi, nous arrivons à la troisième variante du jeu offensif des Lions du Sénégal, la percussion côté droit balle au pied ou bien en profondeur. Le titulaire attitré pour ce poste et ses attributions sur mesure est Ismaila Sarr. C'est la preuve d'une grande progression tactique chez Aliou Cissé où il démontre clairement dans ses idées de jeu son intention de produire un football en adéquation avec les qualités intrinsèques de ses meilleurs éléments, ainsi qu'il aime les appeler. La limite de cette philosophie reste cependant son applicabilité lorsque le titulaire désigné fait défaut pour cause de blessure ou de suspension. Avec le recul, on peut redire ce qui est insinué plus haut dans cet article, l'absence de Gana a pesé dans la défaite contre l'Algérie. Pour autant, elle a permis de révéler aux spécialistes du foot qu'il y'a eu erreur de casting de la part de Cissé en titularisant Krépin Diatta au lieu de Saivet.
Dans le prolongement de cette réflexion, elle a aussi fait comprendre à Cissé que le rôle côté droit pouvait être incarné par Krépin Diatta, dont on a évoqué le style plus haut. Ce rôle côté droit consiste à jouer le un contre un et à forcer le défenseur adverse à reculer en débordant vers l'extérieur et à centrer. Alors que Keita Balde a été titularisé face au Bénin côté gauche, il n'a jamais réussi à passer le un contre un et le côté droit a été occupé par Sadio Mané dont le rôle cette fois a été de faire des appels dans la profondeur comme le ferait le préposé au poste Ismaila Sarr.
Depuis le début de la CAN, c'est la première fois que Sadio Mané a été utilisé sur le côté droit. C'est la preuve que la percussion voulue par Cissé sur ce côté droit n'a pas été apportée par Keita Balde bon dans la conservation dos au but mais lent dans le changement de rythme. Il semble que le manque de temps de jeu en club pèse sur ses jambes de feu de sa période au Lazio de Rome.
Ces deux dernières variantes utilisant totalement ou en partie le mécanisme du jeu long nécessitent de décider vite et les trois joueurs clés de ce dispositif lorsqu'ils sont positionnés à hauteur de la ligne médiane sont Koulibaly, Gana Gueye et Henri Saivet. En face des Lions, la Tunisie devrait jouer un bloc bas réduisant les espaces devant le gardien de but. On imagine moins les Aigles de Carthage reproduire la première mi-temps de l'Algérie où les fennecs sont venus vers Kalidou Koulibaly et annuler son apport dans le lancement du jeu. Une telle débauche d’énergie à ce stade de la compétition pour un match à 18 heures dans la chaleur du Caire est peu envisageable.
2. Les autres alternatives
A plusieurs reprises lorsqu'ils ont mené au score, le Sénégal a fait un bloc bas pour attirer l'équipe adverse et jouer sur la vitesse des attaquants comme Sadio Mané, Ismaila Sarr ou Krépin Diatta. Malheureusement, le manque d'efficacité offensive en première mi-temps (2 buts seulement) ne leur permet pas d'évoluer plus longtemps en bloc bas. Ce défaut d'expérimentation suffisante nous donne comme inconnues la capacité du Sénégal à pouvoir résister défensivement face à des assauts répétés même si la présence de Koulibaly rassure et la nature du rôle que doit jouer l'avant-centre, point de fixation ou pointe de vitesse. C'est peut-être passé inaperçu mais Aliou Cissé a essayé les deux avec Mbaye Diagne contre l'Algérie, l'Ouganda et le Bénin ou bien avec Moussa Konaté contre la Tanzanie et le Kenya.
Sachant que Mbaye Niang et Mbaye Diagne sont incertains, l'hypothèse Konaté prend de l'ampleur et même si elle est forcée par les événements elle serait tout de même pertinente dans la mesure où le petit gabarit peut surprendre les grandes tailles tunisiennes derrière. Malgré les critiques qu'on lui fait souvent, Konaté sait faire de bons appels. Si Niang est forfait, le joueur d'Amiens doit être privilégié par rapport au meilleur buteur du championnat turc trop peu mobile surtout si les tunisiens jouent en bloc bas.
L'autre aspect de la progression de cette équipe est le jeu sur coup de pied arrêté. Ce n'était pas difficile de faire mieux tellement le Sénégal a été insuffisant dans le domaine malgré le jeu de tête performant en club de Sadio Mané et de Kalidou Koulibaly. Henri Saivet tire bien les coups francs et il sera le numéro un pour tirer en cas de penalty après le renoncement de la star de Liverpool. Le jeu dans les petits espaces déstabilise et génère beaucoup de coups francs et le Sénégal finira bien par marquer un jour ou l'autre dans le domaine avec plus d'application. Encore faudrait-il rappeler qu'il n'a jamais suffit d'avoir des joueurs de grande taille pour marquer sur corner. Le Barça de Guardiola avec Puyol et Piqué seulement en a marqué beaucoup plus.
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